L'impression 3D et le potentiel à exploiter rapidement.

Publié par Raphaël Ortiz, le 21 novembre 2017   1.5k

L'impression 3D et le potentiel à exploiter rapidement.

En publiant cette photo, l'idée est de synthétiser au maximum ce que représente et représentera l'impression 3D dans l'avenir, face à ses enjeux et ses dangers. 

La pièce en bas de l'image est une pièce en métal, une création de type artisanale représentant un triskel celte. La pièce la plus en haut (j'ai volontairement ajouté un crayon de papier pour avoir une idée de la taille des objets) est une pièce modélisée par mes soins, puis imprimée en 3D. Ma volonté n'était pas de copier exactement la pièce originale, ni même que celle ci soit imprimée parfaitement, mais plutôt de faire une nouvelle création s'inspirant fortement du modèle original. Tout cela pour m'amener à plusieurs interrogations...

1) La propriété intellectuelle

 

Plusieurs sociétés ont décidé de protéger leurs créations face aux dangers que peut représenter l'impression 3D, Je pense à Disney ou aux sociétés créatrices de bijoux. Dans l'absolu, reproduire un objet même en modifiant les formes comme pour la photo ci dessus, c'est contrefaire (même si la photo ci dessus est une représentation de triskell, qui est un symbole culturel, relevant ainsi du domaine public). Mais dans la pratique, on peut trouver des plateformes sur internet qui permettent de télécharger gratuitement des fichiers 3D : si l'objet imprimé n'est pas utilisé à des fins commerciales mais reste confiné à un usage domestique, la copie ne sera pas considérée comme une contrefaçon. Il faut toutefois bien vérifier si le fichier mis en ligne l'a été de manière licite, et que les ayant-droits ont donné leur autorisation pour reproduction, sans quoi on peut commettre une infraction. 

Nous avons connu un boom de la technologie en relation avec les stockages d'information (cassettes, bandes magnétiques, cd, DVD, disques durs et clés usb), puis un partage rapide des données avec l'arrivée d'internet, et maintenant nous allons connaître une expérience similaire avec l'impression 3D ou la fabrication additive, dans la mesure où tous les objets seront reproductibles à souhait à partir de fichiers informatiques. A mon humble avis, il faut que cette technologie soit accessible au plus grand nombre, qu'elle se démocratise, et cela passe évidemment par une gratuité des fichiers et par un maximum d'outils "open source". Cela fait partie des enjeux de cette technologie de demain, qui sera sans nuls doutes, créatrice d'emplois.

 

2) Les dangers de l'impression 3D

 

S'il est vrai qu'une multitude d'informations nous vantent les bienfaits de l'impression 3D pour l'être humain chaque jour qui passe, je pense notamment au secteur médical, il est tout aussi vrai que cette technologie peut présenter des dangers si elle tombe entre de mauvaises mains. Il est tout autant possible de télécharger un fichier librement, pour fabriquer une main en 3D pour la personne qui la nécessiterait (amputation ou malformation de naissance) que de télécharger un fichier permettant la fabrication et l'assemblage d'une arme à feu. En fait, c'est tout le problème de toute nouvelle technologie si elle est utilisée à mauvais escient, et là encore plus, puisque le fait d'être possesseur d'une imprimante 3D vous donne la possibilité d'être un créateur ou même d'être un fabricant dans son sens littéral !

Malgré les risques, je ne pense que ce sera un erreur de trop vouloir encadrer les possibilités de l'impression 3D par des mesures sécuritaires (ce seront des tentations logiques dans le futur), puisque une évolution saine de ce secteur se fera certainement par le biais d'un potentiel créatif fait d'innovations. Innovations qui devront être accompagnées par une vraie politique économique d'encouragement de la part de l'Etat, pour que ce marché se développe.

 

3) Les nouvelles possibilités

 

L'objet que j'ai reproduit est à peu près à la même échelle que la pièce originale en métal. Mais libre à moi de pouvoir changer de matières (bronze, cuivre, bois), de couleur, et surtout de tailles. Avoir une imprimante 3D me permet de passer d'un objet qui a la taille d'une pièce de monnaie à une représentation de tout autre envergure. Ce qui veut dire qu'un objet créé dans un but précis peut être reproduit dans un but totalement différent, on peut passer d'un bijou dans son format original à un oeuvre d'art ou à un objet de décoration de grande taille (pour ma part je peux reproduire cette pièce avec un diamètre supérieur à 25 cm, mais certaines imprimantes peuvent dépasser le mètre de diamètre en largeur d'impression). De même, l'impression 3D permet de lutter contre l’obsolescence programmée : une pièce cassée que l'on souhaite changer et que l'on ne retrouve nul part, peut être facilement reproduite par le biais de l'impression 3D. Surtout que cette technologie qui tend à se démocratiser a permis à des fabricants de filaments d'innover et de sortir des nouvelles matières plastiques extrêmement résistantes (pouvant même jusqu'à égaler l'aluminium en robustesse). Bref, dans certains cas on pourra par le biais de l'impression fabriquer des pièces de meilleure qualité que des pièces sorties d'usine, en jouant sur la modélisation et la qualité des matériaux !

Certains fabricants d'électroménager ont déjà compris que l'impression 3D permettra de limiter le stock de pièces de rechange pour le service après vente, et même d'améliorer certaines pièces défectueuses sans avoir à les reproduire à grande échelle, ce qui limitera forcément les coûts. Les fabricants d'automobile vont vraisemblablement suivre le même chemin.

 

4) L'éducation et les nouveaux emplois

 

Le politicien britannique, ancien secrétaire d'Etat à l'éducation, Mickael Gove,  a récemment déclaré que toutes les écoles devraient être équipées d'une imprimante 3D au Royaume Uni. 

Il est vrai que dans les écoles primaires si l'on demande aux enfants de se munir d'une feuille papier, d'une paire de ciseaux, de colle, et de laisser libre cours à leur imagination ils se montrent extrêmement créatifs. On pourrait l'appliquer à l'impression 3D avec encore plus de possibilités, sachant d'autant plus que c'est un outil que l'on utilisera très fréquemment dans un futur proche. Je suis certain qu'une imprimante 3D susciterait l'intérêt des enfants quant à son utilisation, et pourrait être utilisée comme facteur d'épanouissement personnel.

D'un point de vue pratique, apprendre la modélisation, le design, devrait être aussi une nécessité et être intégré dans une matière scolaire à part entière, tout simplement parce que cette nouvelle technologie sera présente dans beaucoup de secteurs d'activité et que les professionnels de demain seront certainement amenés à utiliser des imprimantes 3D tout au long de leur carrière, dans toutes sortes de métiers créatifs, dans le design, l'habitat, l'architecture, l'industrie, le secteur médical, et aussi pour créer de nouvelles entreprises.  Ce sera une part importante dans leur environnement professionnel, comme le peut être internet au moment où j'écris cet article. 

Je tiens à préciser aussi que l'intérêt n'est pas tant de savoir utiliser une imprimante 3D mais de faire appel à l'imagination et aux aptitudes créatives de chaque écolier/étudiant, qu'elles soient individuelles ou collectives (en faisant réfléchir une classe entière autour d'un thème et qu'ils créent un objet en conséquence de celui-ci, comme une main artificielle, par exemple).

Je crois totalement qu'il est indispensable  d'intégrer l'impression 3D dans le milieu scolaire, puisque c'est une technologie facile à mettre en place avec des logiciels accessibles (beaucoup sont open source et gratuits) et que c'est bel et bien par l'innovation et la créativité qu'elle développera, que l'on créera les emplois de demain.

 

5) La nécessité d'impliquer les pouvoirs publics

 

 

La France est en retard dans ce secteur d'activité.  Ce qui n'est pas sans rappeler l'adoption tardive des nouvelles technologies de l'information (téléphone filaire, téléphone portable, internet). Le gouvernement a voulu réagir en accordant aux PME un amortissement exceptionnel à l'acquisition d' imprimantes 3D (Voir article sur mon blog).

C'est une initiative encourageante mais c'est encore trop faible pour combler le retard qui est déjà malheureusement palpable, si l'on compare la situation à celle des pays voisins.

Il faudrait des mesures qui permettent de vulgariser au maximum cette technologie, qui ne se développera que par une demande plus importante du fait que le marché est encore à créer, en soutenant ainsi un tissu économique performant pour ce qui est de l'offre.

L'éducation, la santé, le secteur associatif, les collectivités locales, les régions et départements, tous devraient s'impliquer pour que notre économie ne rate pas le train en marche. A moins que cela ne soit déjà fait...

 

Raphaël Ortiz

Directeur de Model 3D

site internet : http://www.model3d.org/