Polytech Tours aide la SNCF à planifier la maintenance du Transilien

Publié par Benjamin Pouvreau, le 5 octobre 2019   1.7k

Chaque année, les élèves de 5ème année de l’École Polytechnique de l’Université de Tours réalisent un Projet de Recherche et Développement, ayant pour objectif de mettre les connaissances acquises au cours du cursus d’ingénierie au profit de la recherche. Ces projets sont l’occasion pour les élèves ingénieurs et les enseignants chercheurs de travailler avec des industriels sur des sujets de recherche, comme celui que je vais vous présenter.

Un problème de maintenance de trains

Le Transilien, le train de banlieue géré par la SNCF, se modernise au fil du temps afin d’offrir un meilleur service à ses usagers et de faire face à l’augmentation du trafic. Ainsi depuis quelques années, la SNCF s’est équipée de rames ayant la capacité de communiquer l’état de leurs différents organes en temps réel au centre de contrôle de la SNCF, permettant ainsi de déceler au plus tôt les anomalies sur ces rames.

Chaque matin, pendant plus d’une heure, un employé de la SNCF analyse ces signalements afin de planifier les opérations de maintenance qui permettront de résoudre les anomalies touchant les rames. C’est une tâche fastidieuse et complexe, requérant une parfaite connaissance du terrain et de ses contraintes.

Afin de faciliter cette tâche et dans cette optique de modernisation, la SNCF souhaite mettre en place un outil d’aide à la décision qui sera capable de proposer un planning de maintenance corrective à partir de ces signalements, et c’est pour l’aider dans cette tâche que Polytech Tours intervient. J’ai ainsi réalisé mon projet de fin d’études en Ingénierie Informatique sur ce sujet, avec la problématique suivante : comment réaliser ce planning à partir des données de signalement ?

Étudier le terrain

Pour ce faire, il a tout d’abord fallu mener une étude de terrain, afin de comprendre le métier et ses contraintes. J’ai ainsi discuté avec l’employé chargé de la planification et les ingénieurs de la SNCF. J’ai également analysé de nombreuses données afin d’identifier les contraintes pesant sur cette planification : l’emploi du temps commercial des trains, la priorité des signalements, les dates limite de résolution des anomalies, les infrastructures et leur disponibilité, l’accès aux centres de maintenance, les heures de pointe, etc.

De nombreuses contraintes et hypothèses ont été explorées et analysées, avant d’écarter celles qui n’avaient pas d’impact direct sur la planification. Cette sélection a pu se faire en discutant avec l’employé en charge de la planification de ces opérations de maintenance.

Modéliser et résoudre le problème

Une fois ces contraintes identifiées, il a fallu modéliser le problème afin de pouvoir le résoudre informatiquement, à l’aide d’algorithmes.

Ce problème s’inscrit dans le domaine de la Recherche Opérationnelle, la science consistant en la recherche de méthodes de prises de décision dans le but d’obtenir de meilleures solutions à des problèmes d’optimisation. Cette science s’appuie la plupart du temps sur de l’analyse, des mathématiques, de l’algorithmique et de l’informatique.

Ce problème a ainsi été modélisé mathématiquement, sous forme d’équations linéaires indexées sur le temps (Programmation Linéaire en Nombres Entiers), en retenant 11 hypothèses et 7 contraintes s’appliquant sur un ensemble de variables pouvant varier d’une centaine à des dizaine de milliers de variables selon le nombre de trains à traiter, le nombre d’infrastructures et leurs disponibilités.

Le problème a été identifié comme étant NP-difficile, ce qui signifie que l’effort de calcul nécessaire à sa résolution augmente de façon exponentielle avec la quantité de données à traiter.

J’ai ensuite développé une application de démonstration capable de transformer les signalements d’incidents en un planning de maintenance, à l’aide du modèle mathématique et d’un outil de résolution exacte, le solveur CPLEX, capable de trouver la meilleure solution de planification parmi l’ensemble des solutions existantes. L’application a été conçue de manière modulable afin de facilement changer le modèle et les algorithmes de résolution.

Ainsi, en quelques secondes, l’application est capable d’affecter les rames à leurs opérations de maintenance sur les bonnes infrastructures, là où ce travaille demandait auparavant plus d’une heure de planification manuelle.

Perspective

Ce premier travail permet de démontrer la faisabilité d’un projet qui, par le futur, pourra être étendu à l’ensemble du réseau Transilien, et potentiellement au réseau national. Une meilleure planification de la maintenance des rames permettra ainsi d’améliorer leur durée de vie mais également la qualité de leur service, impactant directement les passagers.

Un nouvel élève de 5ème année de Polytech Tours ainsi qu’une doctorante vont continuer à travailler sur ce sujet afin de permettre à la SNCF de développer cet outil d’aide à la décision, notamment en recherchant des algorithmes permettant une résolution plus rapide du problème.

Ce projet m’a permis de remporter le Grand Prix du Jury ainsi que le Prix Spécial du Public au cours du Prix Recherche et Innovation 2018-2019 de Polytech Tours en septembre 2019.

Je tiens à remercier Messieurs Ronan Bocquillon et Vincent T’Kindt, Enseignants Chercheurs à Polytech Tours, ainsi que Messieurs Romuald Détrue, Guillaume Branger et Bruno Lasnier du Pôle Ingénierie du Matériel SNCF de Saint-Pierre-des-Corps, de m’avoir fait confiance et de m’avoir accompagné sur ce projet.

Je tiens également à féliciter les autres participants du Prix Recherche et Innovation pour la grande qualité de leurs présentations.

Benjamin Pouvreau

Visuel de l'article par Lunon92 — Photo personnelle (own work), CC BY-SA 3.0, Lien