[THE CONVERSATION] Traiter le trouble du spectre de l’autisme grâce à la stimulation transcrânienne

Publié par Inserm iBraiN Université de Tours, le 11 janvier 2023   930

Traiter le trouble du spectre de l’autisme grâce à la stimulation transcrânienne

Marianne Latinus, Inserm et Camille Ricou, Inserm

Le trouble du spectre de l’autisme (TSA) est un trouble neurodéveloppemental qui se caractérise par des déficits de la communication et des interactions sociales, des comportements et des activités restreints, répétitifs et stéréotypés.

Très hétérogène du point de vue clinique, ce trouble se traduit notamment par un ensemble de particularités sensorielles et des compétences langagières très variables d’un enfant à l’autre. Il est par ailleurs souvent associé à d’autres pathologies comorbides, ce qui augmente encore la diversité des formes qu’il peut prendre. Tout ceci rend difficile sa prise en charge et le ciblage des thérapies destinées à améliorer les déficits sociaux et cognitifs associés.

À ce jour, les principaux traitements de l’autisme reposent d’une part sur une approche pharmacologique (par exemple via l’emploi d’antidépresseurs ou d’antipsychotiques) visant à atténuer les symptômes de ses comorbidités, et d’autre part sur une approche incluant notamment des thérapies de groupe ou individuelles, pour améliorer les capacités sociales des personnes touchées. En raison de l’hétérogénéité du TSA, ces interventions ont des résultats très variables d’un individu à l’autre. Il est donc essentiel d’évaluer l’efficacité de nouveaux outils thérapeutiques.

C’est par exemple le cas de la stimulation transcrânienne à courant continu (tDCS). Tolérable, sûre, non invasive et relativement peu coûteuse, cette technique a déjà fait ses preuves pour certains troubles (neuro)psychiatriques (comme la dépression ou la schizophrénie) et représente un réel enjeu dans la prise en charge de l’autisme. Elle est aujourd’hui au cœur de nombreuses recherches, avec l’espoir d’améliorer la cognition et les aptitudes sociales, fortement altérés dans le TSA.

La stimulation transcrânienne et ses procédés

La stimulation du cerveau à travers le crâne peut s’opérer de diverses façons, et de manière non invasive – c’est-à-dire sans rupture de la barrière cutanée. On y distingue ainsi la stimulation magnétique transcrânienne (ou TMS, transcranial magnetic stimulation) et la stimulation transcrânienne à courant continu (ou tDCS pour transcranial direct current stimulation).

La TMS consiste à appliquer une impulsion magnétique sur le cerveau à travers le crâne pour stimuler (activer) les neurones. Son utilisation thérapeutique se fait de manière répétée au cours de séances réparties sur environ six semaines, avec un intérêt reconnu dans le traitement de la dépression. Son application à la prise en charge du TSA en est à ses débuts, avec une vingtaine d’essais cliniques contrôlés en cours ou réalisés. Les résultats préliminaires montrent que la TMS aurait des effets modérés sur les comportements répétés et restreints, mais aussi sur les comportements sociaux.

Notons toutefois que bon nombre de ces essais cliniques intègrent très peu de participants, en se focalisant parfois sur des sous-populations. Bien que prometteurs, ces résultats restent donc insuffisants pour conclure à un réel bénéfice de la TMS dans le traitement du TSA.

La tDCS est quant à elle une technique d’électrostimulation qui permet de moduler l’excitabilité du cortex cérébral dans une région donnée du cerveau, et de ce fait d’augmenter les effets d’une thérapie. Un courant électrique de faible amplitude (moins de 2mA chez les enfants) est appliqué sur le crâne à l’aide d’électrodes. Ce courant induit va permettre de moduler l’activité électrique des neurones (cellules du cerveau), pour une durée de stimulation comprise entre 10 et 30 minutes.

On distingue deux types de stimulation : anodique, qui augmente l’activité des neurones, et cathodique, qui réduit ou inhibe l’activité des neurones.

Mécanisme de la tDCS.

Par rapport à la stimulation magnétique, la stimulation électrique a pour avantage d’être facile à mettre en œuvre. Les dispositifs utilisés sont aisément transportables, on peut donc imaginer que chacun puisse en faire usage chez soi, en association avec d’autres thérapies existantes, pour une prise en charge plus spécifique et personnalisée.

Toutefois, en raison de l’hétérogénéité du TSA, on ne connaît pas encore précisément les effets de l’association de ce type de stimulation électrique avec d’autres thérapies. Son efficacité et sa sécurité à court et à long terme dans le TSA, ou encore le nombre idéal et la durée optimale des séances restent également à déterminer.

Dans cette optique, un essai clinique a été lancé dans le cadre du projet de recherche européen STIPED.

STIPED : un projet d’évaluation de la tDCS

Le projet qui prévoit l’inclusion d’une centaine d’enfants autistes est en cours de recrutement. L’essai clinique STIPED teste l’hypothèse d’une potentialisation par la tDCS des effets d’un entraînement sociocognitif chez des enfants et adolescents avec TSA. Il s’agit d’un essai clinique randomisé, contrôlé, et en double aveugle.

Le terme de « randomisation contrôlée » renvoie au placement aléatoire des participants dans un groupe expérimental – où l’on procède à une réelle stimulation transcrânienne – ou dans un groupe contrôle – ou la stimulation est fictive, inactive : elle est un placebo. On parle par ailleurs d’essai « en double aveugle », car ni les participants ni les expérimentateurs ne savent qui est placé dans chacun des groupes (ce double-aveugle peut toutefois être levé si au cours de l’essai on constate de graves effets indésirables).

Les participants recevront 10 séances de stimulation (placebo ou réelle) de 21 minutes réparties sur deux semaines, du lundi au vendredi. Dans le même temps, ils seront invités à travailler sur la reconnaissance et la compréhension des émotions et intentions des différents personnages, à travers des vidéos de la saga Harry Potter.

Nous espérons que ce projet permettra d’identifier des marqueurs sur lesquels s’appuyer pour adapter le choix du dispositif (et le dispositif lui-même) à chaque profil de patient. En effet, les besoins, difficultés et compétences de chacun variant beaucoup, les techniques de stimulation recommandées et valables pour un patient n’auront peut-être aucun intérêt pour un autre. Les utiliser de façon efficace est essentiel, également en raison de leur coût et la nécessité de les programmer pour un type d’interaction particulière. Mais quoi qu’il en soit, la stimulation transcrânienne – électrique ou magnétique – est un outil bénéfique pour améliorer la prise en charge des personnes autistes.The Conversation

Marianne Latinus, Chargée de Recherche INSERM en neurosciences cognitives, Inserm et Camille Ricou, Ingénieure d'étude, Inserm

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.