Conférence

En 2019, faut-il avoir peur des cosmétiques ?

Sur la frise du temps de l’histoire des cosmétiques, de l’Antiquité à nos jours, il est facile de distinguer deux périodes que tout oppose. A une période d’histoire lente durant laquelle la fabrication des cosmétiques se fait de manière artisanale avec des ingrédients aussi étonnants que la corne de cerf, la graisse de crocodile ou des annélides écrasés succède une phase d’histoire rapide, caractérisée par une production réalisée en milieu industriel. Au début du XXe siècle, les formules à disposition sont encore extrêmement simples et ne comportent qu’un très petit nombre d’ingrédients. La céruse incorporée pour blanchir la peau dans les produits de beauté depuis l’Antiquité est toujours d’actualité. On ajoute à la liste des ingrédients un certain nombre d’actifs « biologiques » au sens premier du terme. Les extraits glandulaires, le placenta, le sérum de cheval, les embryons de poulet… viennent étoffer la liste des ingrédients utilisés depuis toujours. La notion d’efficacité prime sur la notion d’innocuité au point que certains laboratoires n’hésitent pas à incorporer des éléments radioactifs dans leurs formules afin de les rendre encore plus performantes que celles de la concurrence. Dans les années 1970, alors que différentes affaires relatives à des talcs pour bébé ont noircit l’image souriante des cosmétiques, la France puis l’Europe se dotent d’une réglementation cosmétique. Un tournant est désormais pris. Le profil toxicologique des ingrédients commence à préoccuper consommateurs et industriels. Dans les années 2000, un virage à 90° est amorcé avec entre autres la parution d’une publication à charge consacré aux parabens. C’est le début d’une spirale infernale qui mène une partie de la population à réaliser ses courses les yeux braqués sur des portables munis d’applications diverses et variées. Les plus inquiets se tournent vers les cosmétiques biologiques, vers la slow cosmétique, les recettes–maison, la clean beauty ; les mentions « vegan », « cruelty free », « sans paraben, sans silicone, sans PEG » se mettent à fleurir. Après avoir consommé pendant des siècles des cosmétiques sans se poser de questions l’Homme moderne est désormais atteint de cosmétophobie et en vient presque à négliger de se laver, de s’hydrater, de se protéger du soleil. Entre angélisme et peur panique, il existe une voie plus raisonnable que nous nous proposons d’explorer.