Conférence

Est-ce parce qu'elles sont immortelles que les cellules souches sont fascinantes ?

Avant d'en venir à l'immortalité des cellules souches, nous partirons de la question proximale concernant la fascination de l'homme pour l'immortalité. Nous examinerons deux versions tutélaires de cette fascination : 1° celle qui, en philosophie, fonde l'espoir d'une âme et finalement d'une vie divine immortelle - le pur esprit platonicien sorti de l'espace - ; 2° celle qui fonde la modernité, le principe d'inertie, galiléen et cartésien, envisagé comme fondement physique du principe biologique de conservation. La première dispose que ce n'est qu'en dehors de l'espace que la vie peut être immortelle. La seconde que l'immortalité de la vie dans l'espace se fonde sur l'inertie de la matière.

Nous nous demanderons alors si la biologie aujourd'hui, notamment à travers la recherche sur les cellules souches, en a vraiment fini avec le besoin de concevoir une telle immortalité intrinsèque de la vie. La division cellulaire infinie est présentée en biologie, par exemple chez le polype d'eau douce Hydra, comme gage de son immortalité potentielle. Cette notion renvoie à son initiateur en biologie, August Weismann, qui a voulu séparer les cellules germinales immortelles - nommées par lui cellules souches - des cellules somatiques, mortelles. Nous soulignerons l'inspiration classique de cette théorie biologique en renvoyant l'immortalité intrinsèque de la vie à la permanence de la matière posée par le principe d'inertie. De la physique à la biologie, le mouvement de la pensée a consisté à passer de la permanence de la matière fondée sur l'inertie à la continuité de la vie fondée sur la prolifération des cellules souches.

Cependant, pour autant qu'il soit possible de se permettre cette question, la biologie peut-elle aujourd'hui parler d'immortalité ? Nous rappellerons d'abord l'ombre portée par la carcinogenèse, au cœur même des recherches sur les cellules souches, sur le paradigme de l'immortalité intrinsèque de la vie. Ensuite nous soulignerons que si la totipotence n'arrête pas la flèche du temps, il semble difficile d'admettre que les cellules souches puissent être intrinsèquement immortelles. Nous nous inspirerons de l'exemple des Orthonectides autrefois observées par le zoologiste Alexander Goette pour suggérer que la division d'une cellule souche mère, quand bien même elle pourrait être contrôlée et symétrique (engendrant deux clones), ne laisserait pas la cellule mère intacte. Une page se tournera toujours, fût-ce avec la prolifération de cellules souches qui serait, un jour, parfaitement sous contrôle.

En conclusion, nous rappellerons l'objection du principe de la Mort cellulaire programmée au principe de l'immortalité intrinsèque de la vie.

Puis nous nous demanderons si ce n'est pas plutôt le grand nombre de populations cellulaires différenciées dépendantes de la même cellule souche qui donne son sens Vital le plus ample aux cellules souches. Dans cet esprit, nous nous demanderons s'il n'y a pas un écho Vital de la totipotence des cellules souches dans l'amplitude des allures dont la Vie en l'homme est capable.