Régénérer les charbons actifs à l’échelle industrielle

Publié par Benoît Cagnon, le 23 avril 2024   72

Dans le cadre du programme ARD MATEX (Ambition Recherche et Développement Multi MATériaux en conditions EXtrêmes), les laboratoires de l’ICMN et le CEMHTI, en partenariat avec l’entreprise vierzonnaise Jacobi Carbons France, ont lancé le projet Carbone 4 en 2021, avec l’ambition de recycler les charbons actifs usagés et d’augmenter ainsi leur durée de vie.

Le charbon actif, qui permet de purifier l’eau et l’air, est présent dans notre quotidien : aquariums, carafes d’eau à filtre, hottes aspirantes... Mais au-delà de ces applications domestiques, c’est à l’échelle industrielle qu’il est pertinent de s’interroger sur son recyclage. C’est pourquoi, en 2021, le laboratoire ICMN (Interfaces Confinement Matériaux Nanostructures) du CNRS à Orléans et en collaboration avec le CEMHTI (Conditions Extrêmes et Matériaux : Haute Température et Irradiation), soutenus par l’industriel Jacobi Carbons France, à Vierzon, leader de la production de charbon actif, ont porté le projet Carbone 4, dans le cadre du programme ARD MATEX, pour une durée de trois ans.

« Le charbon actif, qu’on appelle aussi carbone activé, est un matériau à base de carbone qui a une certaine porosité. Lorsqu’il est saturé, il peut être récupéré et brûlé, avec un indice CO2 peu favorable, ou être régénéré », explique Benoît Cagnon, maître de conférences et enseignant chercheur à l'IUT d'Orléans au département Chimie, au sein du laboratoire ICMN. Et c’est précisément cette régénération, ou recyclage, qui est au cœur des préoccupations des producteurs de charbon actif. À l’instar de Jacobi Carbons France qui fournit des stations de potabilisation de la métropole orléanaise qui s’est rapproché des laboratoires du CNRS afin d’obtenir une solution durable pour la régénération de matériaux carbonés.

« La régénération peut être obtenue en faisant chauffer les charbons actifs usagés à 500-600°C avec de la vapeur d’eau. Une technique qui altère la porosité initiale du matériau et fait baisser son efficacité de 30 à 40 % », détaille Benoît Cagnon. C’est pourquoi, l’ICMN et le CEMHTI explorent des Procédés d’Oxydation Avancée (POA) : « Les charbons actifs adsorbent les molécules polluantes de l’eau et se saturent, donc il faut les régénérer. Nos laboratoires, individuellement, ont donc mis en place des POA de sorte que les polluants organiques se transforment en eau et en CO2 , en régénérant le charbon actif », ajoutent Benoît Cagnon et Conchi Ania, directrice de recherche CNRS.

Une technique au cœur du projet C4, pour redonner au charbon actif un maximum de ses propriétés texturales initiales et donc une meilleure durée de vie. « Les résultats déjà probants de cette innovation s’inscrivent dans une démarche durable. Elle pourra être étendue à la réutilisation des eaux usées et nous permettre d’être plus vertueux au regard de nos usages de l'eau » ambitionnent les chercheurs. Et avec plus de 10 000 tonnes de charbon actif par an dans plus de 200 stations d’épuration dans le monde, Jacobi Carbons France attend beaucoup de ces recherches.