Chêne&Vin : Un projet régional pour la valorisation des espèces de chêne et leur impact en oenologie

Publié par Emilie Destandau, le 20 décembre 2021   820

Deux espèces de chênes sont dominantes dans les forêts françaises : les chênes Pédonculés (Quercus robur L.) et les chênes Sessiles (Quercus petraea Liebl.). Couvrant environ 6 million d’hectares soit environ 30% de ces forêts, elles jouent un rôle très important dans non seulement l’économie du bois mais également dans l’économie viticole puisque les fûts et les copeaux de bois utilisés pour le vieillissement et la conservation du vin sont pour la plupart fabriqués à partir de bois de chêne.

Pour les distinguer en forêt il faut s’appuyer sur leurs caractéristiques morphologiques notamment sur les feuilles ou les glands qui ont une forme et une répartition différentes d’une espèce à l’autre. Ces différences ne sont pas toujours évidentes à visualiser même pour des forestiers aguerris d’autant plus qu’il existe de nombreux hybrides. De plus, ces caractères morphologiques ne sont pas utilisables sur les grumes de chêne utilisées par les tonneliers qui s’approvisionnent en bord de route sur des arbres abattus. Pourtant ces deux espèces ont des comportements très différents en forêt tant au niveau des milieux dans lesquelles elles se plaisent que dans leur résistance à l’évolution climatique et dans leur comportement vis-vis des autres arbres. De plus, il est largement reconnu que la qualité du bois de chêne influe sur sa composition chimique et par conséquent sur le caractère organoleptique (astringence, arôme, sucrosité) des vins boisés. A ce jour, l’analyse génétique de l’ADN reste la seule méthode fiable pour la différentiation des espèces de chêne, mais elle nécessite l’utilisation de tissus frais comme les feuilles ou le cambium ce qui n’est pas toujours simple à mettre en œuvre et la comparaison des analyses des échantillons prélevés à des bases de données. C’est pourquoi l’objectif du projet Chêne & Vin a été dans un premier temps de développer des méthodes d’analyse permettant de discriminer les espèces de chêne, puis d’évaluer l’impact de l’espèce de chêne sur le boisage de vins du Val de Loire.

Ainsi nous avons mis en place un échantillonnage conséquent de près de 200 échantillons de chênes provenant majoritairement de forêts de la région Centre-Val de Loire, reconnues pour la qualité de leur bois. L’analyse génétique de ces échantillons a été effectuée afin de certifier l’espèce de chaque arbre puis nous avons développé plusieurs méthodes d’analyses en utilisant d’une part la Chromatographie en Phase Liquide couplée à la Spectrométrie de Masse et d’autre part en Spectrométrie Proche Infra-Rouge sur différents types d’échantillons (extraits de bois, rondelles, arbre sur pied). Ces méthodes ont permis de mettre en évidence des molécules spécifiques de chaque espèce et ainsi de les différencier par des méthodes plus simples et plus facilement accessibles qui pourraient être utilisées directement sur le terrain par les forestiers. L’impact de l’espèce de chêne a ensuite été évalué pour le boisage de vins du Val de Loire. Des essais ont été menés sur trois cépages ligériens, un cépage blanc, le chenin, et deux rouges, le cabernet franc et le cot. Ces essais ont permis d’étudier l’incidence de l’espèce et de l’intensité de la chauffe sur la qualité des vins. Le boisage des vins permet de moduler leur expression aromatique et gustative. L’impact de l’espèce est perceptible, avec une influence sur les arômes vanillés, boisés et torréfiés, et sur les équilibres de bouche, en cohérence avec les marqueurs chimiques déterminés.

Le projet de Recherche APR-IR -Chêne&Vin porté par l’Université d’Orléans et financé par la région Centre-Val de Loire a réuni :

  • Des acteurs de la filière forestière (ONF, CNPF et Fibois) gestionnaires des forêts publiques et privées de la région ayant la connaissance des espèces de chênes présentes sur le territoire et de leur répartition.
  • Des acteurs de la filière viticole la Tonnellerie Radoux, et l’IFV d’Amboise ayant la connaissance des cépages du Val de Loire et des produits et méthode d’œnologie.
  • Des laboratoires académiques (ICOA-UMR CNRS 7311, BioForA-UMR INRAE 0588) pour le développement des méthodes de discrimination de espèces de chêne et d’analyse des vins.