L'altération du verre cristal au plomb

Publié par Nadia Pellerin, le 9 décembre 2020   1.8k

Dans le cadre de la recherche VIVACE soutenue par la Région Centre-Val de Loire, une étude a été consacrée à l'altération chimique du verre d'oxyde de type cristal constitué de silicium, plomb sodium et potassium pour les éléments majeurs, et aluminium et antimoine pour les éléments mineurs. Ce verre est tout à fait  essentiel pour le monde artistique en se prêtant à la gravure et la sculpture et bien sûr pour les applications liées à la table avec le célèbre verre en cristal, compte-tenu de sa transparence et de sa brillance exceptionnelle. Mais le cristal contient du plomb, élément chimique associé aux métaux lourds, et des études précises sur les conditions de relargage du plomb dans les boissons, parfums ou autres produits cosmétiques sont nécessaires pour appréhender complétement ces questions et apporter des éléments factuels au législateur. Par ailleurs, le verre cristal utilisé depuis le 17ème siècle par les maitres verriers est largement présent dans nos musées et selon les caractéristiques de l'atmosphère dans lequel il a été entreposé  (température, humidité, CO2..), des signes d'altération peuvent apparaitre. La compréhension des mécanismes d'altération  est aussi à ce titre très importante pour les conservateurs et restaurateurs de nos musées.  

C'est dans ce cadre que nous avons étudié l'altération accélérée du cristal soumis à un contact prolongé avec une solution aqueuse ou une atmosphère humide à 90°C. Des analyses spectroscopiques par Résonance Magnétique Nucléaire au laboratoire CNRS-CEMHTI à Orléans nous ont permis de suivre l'évolution du cristal altéré grâce aux environnements locaux de l'hydrogène, témoin direct de l'altération par son implication dans les espèces hydratées (silanol Si-OH, H2O), du silicium (élément formateur majeur du squelette de verre) ou encore de l'aluminium. La spectroscopie ToF-SIMS (Laboratoire TESCAN) nous a permis de suivre les profils des éléments chimiques dans l'épaisseur altérée du verre. Ces études ont été complétées par des observations micrographiques au microscope électronique à balayage (MEB) et des analyses thermiques différentielles (ATD) et gravimétriques (ATG) (laboratoire CNRS-CEMHTI) qui ont permis de repérer les stades de déshydratation et de quantifier les teneurs en espèces hydratées pour les altérations du cristal en solution et en atmosphère humide.

Cette étude a montré qu'en solution, le cristal subissait une perte de ses ions alcalins (sodium, potassium) contrairement à l'altération sous atmosphère humide. Il s'en suit un réseau vitreux hydraté et dépolymérisé en surface du verre après l'altération sous atmosphère humide, alors qu'en solution au contraire, le réseau subit une amélioration de sa polymérisation à la surface du verre. Dans les deux cas, le verre inerte parfaitement le plomb. Ses données ont pu être quantifiées et discutées à partir des connaissances du réseau vitreux.