Projet Navirre : du producteur au consommateur

Publié par Centre INRAE Val de Loire, le 9 octobre 2017   1.3k

Le projet de recherche Navirre (Nouveaux Aliments pour Volailles Intégrant des Ressources REgionales), initié en 2011, avait pour objectif d'explorer les possibilités d’élever des volailles en limitant, voire en éliminant l’apport de ressources alimentaires OGM, après l'interdiction des farines animales... Entretien avec Cécile Berri, directrice de l’unité de recherches avicoles, Centre Inra Val de Loire. 

Quel était l’objectif de ce projet initié en 2011 ?

Le projet de recherche Navirre (Nouveaux Aliments pour Volailles Intégrant des Ressources REgionales) résulte d’un appel d’offres d’intérêt régional. Le Conseil régional souhaitait un projet autour de la production avicole et notamment les possibilités d’élever des animaux en limitant, voire en éliminant l’apport de ressources alimentaires OGM. En effet, les volailles ont un besoin important en protéines et depuis l’interdiction des farines animales dans l’alimentation, ces protéines sont apportées essentiellement par le soja d’importation, en particulier du Brésil qui est en général OGM.

L’unité de recherches avicoles (URA), qui a de tout temps développé des travaux visant à valoriser des matières métropolitaines, a donc proposé d’évaluer les possibilités de remplacer ce soja par des protéagineux locaux qui peuvent être produits, soit sous forme de tourteaux de colza, soit en introduisant des matières premières telles que des féveroles, des pois…

Comment s’est construite cette recherche ?

Nous avons échangé avec les spécialistes des ressources alimentaires pour construire un projet qui permette de tester de nouveaux aliments qui n’incluraient pas ou peu de soja. L’Itavi1 a également réalisé une analyse du contexte avicole régional. La région Centre-Val de Loire n’est pas une grande région de production avicole, contrairement à l’Ouest, les Pays de la Loire, la Bretagne, le Sud-Ouest. Dans notre région, nous avons une activité avicole surtout dédiée aux élevages label rouge, qui utilisent des souches à croissance lente, mais aussi des élevages qui utilisent des souches à croissance intermédiaire, notamment destinées aux marques de distribution. Il s’agit d’un croisement entre la volaille conventionnelle et la volaille label qui est abattue autour de huit semaines. Nous avons donc ciblé ces types de production.

Quelle a été la méthode employée pour cette étude ?

La phase expérimentale a été portée par l’Inra avec nos compétences en terme de formulation alimentaire, d’expérimentation animale. Nous avons réalisé des analyses multicritères prenant en compte des critères liés à l’impact sur la qualité des produits, les performances en élevage, le bien-être animal et l’environnement.

Quelle était l’originalité de cette démarche ?

Nous avons utilisé la grille OVALI - Sustainability for poultry®, outil d’évaluation de la durabilité des systèmes de production de poulet de chair qui était développé dans le même temps dans le cadre d’un projet Casdar2 porté par l’UMT BIRD3. Nous l’avons décliné pour l’évaluation de la durabilité des systèmes proposés, en prenant en compte l’ensemble des données acquises expérimentalement et le contexte régional. Ceci a permis d’évaluer l’impact des innovations testées sur le coût de production, la qualité des produits, mais aussi d’estimer les avantages ou inconvénients pour l’environnement ou les enjeux sociétaux actuels.

C’est donc une approche durable de l’élevage ?

Oui, l’analyse de la durabilité d’un système ne permet pas de compenser un moins par un plus, les piliers (économique, environnemental, social) restent indépendants, c’est-à-dire que si l’on observe un impact négatif sur le pilier économique et que le pilier environnemental ou social est amélioré, cela ne va pas compenser le pilier économique. Il s’agit alors d’un choix politique de l’entreprise : est-ce que l’on veut un poulet écologiquement performant, socialement performant, quitte à perdre un peu sur le coût de production ?

Quels ont été les résultats de cette recherche ?

Nous avons mis au point des formules alimentaires avec très peu d’impact négatif sur les performances. Sur les poulets à croissance intermédiaire nous avons néanmoins observé un faible effet sur le rendement en filets, sans dégradation de la qualité. Par contre, certaines matières premières locales utilisées avaient une influence directe sur la coloration jaune du poulet. Cet effet doit être reconnu pour que le marketing en tienne compte, mais il n’affecte pas les autres critères de qualité. Sur le plan environnemental, les innovations testées permettaient la diminution de certains rejets polluants.

Est-ce que cela a un impact sur la filière ?

Au-delà de ces résultats biotechniques, cela a créé une dynamique entre les partenaires locaux, Inra, Itavi, Sysaaf4, Criavi5, et les professionnels de la région, fabricants d’aliment, groupements d’éleveurs, abattoirs.

Quelle est la suite donnée à ce projet ?

Le Conseil régional soutient actuellement le nouveau projet « Navirre Grandeur Nature » porté par le Criavi et les acteurs de terrain, avec en appui l’Inra et l’Itavi. Il s’agit d’une sorte de « living lab » impliquant un abatteur qui rachète la production, un fabricant d’aliments investi dans la formulation, et une organisation de production. Nous intervenons plutôt en tant qu’experts à la fois sur la formulation des aliments, la mesure des paramètres d’élevage et la qualification de la viande.

1- Institut technique de l’aviculture 2- Le Compte d’affectation spécial au développement agricole et rural (Casdar) finance l’appui à l’innovation et au développement agricole et rural 3- Unité mixte technologique BIRD (Biologie et Innovation pour la Recherche et le Développement en aviculture) 4- Syndicat des sélectionneurs avicoles et aquacoles français 5- Comité régional interprofessionnel de l’aviculture

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